Retrouvez le discours de Christian Coail, président du Département, en ouverture de la session plénière consacrée au budget primitif 2023, prévue les 27 et 28 mars.

  • Mesdames et Messieurs,

    Mes chers collègues,

    « Gouverner c’est choisir » disait Pierre Mendès-France. Le budget que nous présentons aujourd’hui et demain dévoile des choix forts. Même par gros temps nous maintenons le cap :
    - le développement des solidarités humaines,
    - la transition écologique,
    - le renforcement de la citoyenneté.

    Plusieurs chiffres pour mesurer notre ambition en matière sociale, avec notamment l'augmentation de 12,5 % du budget des solidarités. Les solidarités représentent désormais 61,5 % de nos dépenses de fonctionnement. Nous l’avons dit, la protection de l’enfance est la priorité du mandat. C’est le sens de l’augmentation sans précédent du budget de l’enfance-familles de près de 30 % ! Un effort financier conséquent qui va de pair avec un travail sur nos pratiques. C’est assez dire l’importance que l’on accorde à cette promesse essentielle du pacte républicain qui est de préserver et sauvegarder les droits de chaque enfant.

    C’est toujours notre pacte social que nous entendons préserver lorsque nous augmentons le budget de l’autonomie de 9 % afin de répondre aux besoins des personnes en situation de handicap et des personnes âgées dépendantes. C’est un impératif de dignité humaine.

    La question du logement est également un sujet fondamental. C’est un sujet fondamental car il est, lui aussi, intimement lié à la dignité humaine, la construction et l’estime de soi. Il est compliqué de se projeter dans la vie, de se construire lorsque l’on n’a pas de toit sur la tête. Nous vivons actuellement une crise du logement en général mais aussi une crise du logement social en particulier.

    Ces dernières semaines ont mis un éclairage spécifique sur ce sujet. Le quinquennat d’Emmanuel Macron a été particulièrement compliqué pour les bailleurs sociaux. Le choix de baisser les APL de 5 euros, compensé par les économies des bailleurs sociaux, explique en partie la situation difficile qu’ils vivent depuis des années. Cela n’explique pas tout. Je ne reviendrai pas sur les choix du passé de certains bailleurs sociaux. L’important c’est de regarder l’avenir. Le Département fait ainsi le choix fort d’abonder à hauteur de 3 millions d’euros annuel les bailleurs sociaux et principalement Terre d’Armor Habitat. Là aussi cela s’inscrit dans notre volonté de préserver notre pacte social.

    Les chiffres montrent l’ambition qui est la nôtre en matière sociale. Ce budget est résolument tourné vers les plus fragiles. Nous sommes conscients de la complexité de la tâche. Tâche d’autant plus difficile que la Cour des Comptes, dans un rapport récent revenant sur les 40 ans de la décentralisation, relève qu’en matière sociale « les départements ne disposent pas des moyens d’exercer véritablement leur fonction de chef de file ». Ce rapport note la pertinence de l’échelon départemental.

    La Cour regrette par exemple que le Département ne soit plus compétent en matière de gestion des eaux. Elle dit aussi explicitement que les Départements sont les mieux placés pour entretenir, construire et rénover les collèges. Notant que « la décentralisation scolaire a ainsi indéniablement permis d’améliorer les conditions matérielles d’accueil des élèves dans les collèges » ce rapport montre la plus-value de la proximité pour notre démocratie. On ne peut que regretter, dès lors, que la part des dépenses publiques locales en France soit bien en deçà de la moyenne des pays européens comme le note la Cour des Comptes.

    Nous continuerons, pour notre part, à améliorer les conditions d’apprentissage des collégiennes et collégiens en votant lors de cette session l’enveloppe de 75 millions d’euros en faveur du prochain plan pluriannuel d’investissements dans les collèges. Ce PPIC sera davantage tourné vers des rénovations ou réhabilitations que sur des constructions neuves.

    Pour préserver notre pacte républicain nous pensons que le service public constitue un levier stratégique. Ce service public est animé, incarné au quotidien, par les agentes, les agents et les contractuels des collectivités territoriales. Nous nous étions engagés à refondre et à réévaluer le régime indemnitaire du Conseil départemental. Après le Ségur de la santé qui n’a pas revalorisé un certain nombre d’agents, nous avions dit que nous tâcherions de compenser en partie cette injustice via le seul levier dont nous disposions : le RIFSEEP. C’est ce que nous avons fait. Il s’agissait aussi de mettre un terme au système des paliers et de donner un coup de pouce pour le pouvoir d’achat.

    L’effort est conséquent puisque l’enveloppe attribuée à cette refonte est de 1,5 millions d’euros, soit une hausse de 10,5 %. L’augmentation moyenne par agent est ainsi de 60 euros par mois. Le régime indemnitaire le plus bas étant désormais de 380 euros par mois alors qu’il était auparavant de 333 euros en médiane. Un effort loin d’être négligeable à l’heure où les finances du Département sont mises à rude épreuve par l’inflation et la hausse des dépenses sociales. Je rappelle que le régime indemnitaire du Conseil départemental est de manière globale le plus élevé des collectivités des Côtes d’Armor.

    Mes chers collègues,
    Je sais que je suis attendu sur la question du contournement sud de Saint-Brieuc. Nous nous orientons vers un nouveau scénario. Cette alternative répond à plusieurs enjeux : environnemental, financier, technique et de calendrier. Chacun de ces arguments se tient en lui-même. C’est un enjeu environnemental, tout d’abord, puisque le scénario pour lequel nous optons consomme 21 hectares de moins de terres artificialisées. Ce qui est loin d’être négligeable, surtout à l’heure où les Côtes d’Armor ont connu une sécheresse l’été dernier et, plus inquiétant encore, cet hiver.

    Une terre artificialisée, je le rappelle, c’est une terre qui ne capte plus de CO2, qui n’absorbe plus d’eau. Au moment où le GIEC, dans sa synthèse très alarmante parue la semaine dernière, nous dit que l’on aura atteint un réchauffement global de 1,5° d’ici 2035, nous ne pouvons plus réfléchir comme dans les années 2000. D’autant que la loi a, depuis, introduit des contraintes qui s’imposent à nous comme le zero artificialisation nette. Nous sommes obligés d’en tenir compte. Et ce d’autant plus que d’autres activités fondamentales peuvent être consommatrices de foncier, comme le logement par exemple.

    L’autre argument est financier. Si l’on continuait sur le scénario initial, cela nous coûterait plus de 80 millions d’euros de plus que le nouveau scénario. Je vous le dis clairement : nous n’en avons pas les moyens. Ou alors, on augmente considérablement notre endettement ou bien l’on sacrifie les projets d’autres délégations voire d’autres territoires. Sur l’aspect technique, ensuite, il faudrait réaliser deux viaducs, dont l’un sur le secteur des Mines qui est un véritable gruyère. Avec la probabilité de devoir aller sur un pont suspendu, ce qui induirait une augmentation supplémentaire des coûts.

    Le scénario que nous proposons, enfin, sera fini dix ans environ avant le scénario initial. Dit autrement, nous préservons le bourg de Trémuson plus rapidement, avec moins d’argent et moins de terres artificialisées. J’ai toujours dit que le contournement sud était incontournable. Mais rien ne nous oblige à choisir la solution la plus coûteuse et la moins écologique.

    Je crois qu’il nous faut avoir conscience que les choix que nous faisons aujourd’hui nous engagent collectivement pour les années à venir. Et que, par définition, ils engagent les générations futures.
    C’est précisément le sens de cette décision, guidée par un impératif de responsabilité.

    C’est aussi cet impératif de responsabilité qui nous amènera à adopter aujourd’hui la stratégie Alimenterre d’Armor, une démarche novatrice autour de l’alimentation, véritable enjeu de santé publique. Le but est ainsi de réduire les inégalités alimentaires, d’accompagner la transformation de notre système alimentaire, d’encourager le bien manger à partir de produits locaux, de qualité et de saison notamment dans les collèges, de réduire le gaspillage dans les cantines des collèges et de valoriser également l’identité alimentaire costarmoricaine. Cette démarche est autant sociale, écologique que citoyenne. Elle résume ainsi parfaitement la philosophie qui nous anime.

    Enfin pour finir, je tiens à dire un mot sur le contexte national. L’utilisation de l’article 49-3 de la constitution par le Gouvernement sur la réforme des retraites a heurté nombre de nos concitoyens. Cette réforme est inique. C’est pourquoi de nombreux citoyens ont manifesté dans la rue contre elle.

    Car comme le disait Albert Camus « il est une manière d’aimer son pays qui consiste à ne pas le vouloir injuste, et à le lui dire ». En espérant que le Président de la République comprenne ce message que lui adresse ses concitoyens de tous horizons politiques.

    Notre démocratie ne va pas bien. Les débats politiques à l’Assemblée nationale n’ont clairement pas contribué à rehausser le prestige des politiques. Puissions-nous, mes chers collègues, montrer sur ce BP que les élus peuvent débattre avec hauteur de vue, sans pugilat et exprimer leurs désaccords avec dignité.

    Je vous remercie pour votre attention.

    Christian Coail,
    Président du Département