Léna Jestin, les petits mots d’un grand mal

Publié le 8 décembre 2020
Léna Jestin

Atteinte d’un cancer du sein particulièrement virulent il y a six ans, la Briochine Léna Jestin a couché sur le papier ces petites remarques du quotidien entendues durant ce dur combat contre la maladie. « La Petite Boule » est un recueil parfois drôle, souvent émouvant, toujours touchant.

Une petite boule. S’est ainsi que se sont manifestés les prémices de la maladie et du long combat qui s’en est suivi. Une grosseur au sein qui a roulé entre les doigts de Léna Jestin lors d’une anodine palpation sous la douche en 2014. Quoique anodine, pas tant que cela. « Quelques jours avant, ma mère m’avait appris qu’une jeune cousine venait de se faire diagnostiquer un cancer du sein. On a presque le même âge. J’ai pensé : "et pourquoi pas moi ?" » Une visite à l’hôpital et la nouvelle tombe : cancer. Oui, elle aussi. « Un cancer bien virulent en plus, invasif, triple négatif ». Une vraie saleté. « A tel point que le médecin m’a dit un jour : "il y a dix ans, vous seriez morte." Quelque part, je pense qu’il voulait bien faire de me le dire ainsi… Mais c’est vrai qu’à partir de ce moment-là, je me suis dit que oui, je pouvais mourir. »

Comme une éclaircie dans la tempête

Pour rester en vie, Léna Jestin subit « la totale » : ablation des seins, tumorectomie, chimiothérapie, rayons… « Le pire a été la chimio. Cinq mois d’un traitement dont j’ai appris depuis qu’il n’était plus administré tellement il est violent. Pour me remettre d’une séance, il me fallait dix jours. Sauf qu’elles étaient espacées d’une semaine ! » Difficile, à 35 ans, de se faire ainsi torturer. Six ans après, elle en grimace encore. « Prenez votre pire gueule de bois, ajoutez-y une bonne grippe et mélangez le tout par mille », tente-t-elle de définir. Un traitement qui l’a mis KO mais qui a permis de tuer la tumeur qui grossissait en elle. Au bout du tunnel la guérison est apparue comme une éclaircie qu’on n’attend plus après une interminable tempête. « Avec cet horizon, on commence à positiver et à vouloir s’exprimer. » Comme le cri d’une seconde vie. Depuis les premiers jours, Léna avait gardé en elle ces petits mots entendus ici et là qui l’ont fait sourire, bondir ou pleurer. Les praticiens avec leur langage technique pas toujours compatissants. Les amis avec parfois de la maladresse teintée de gêne. « Et puis mes filles Louise et Joséphine, qui n’avaient que 4 et 7 ans quand la maladie s’est déclarée. » Pour leur faire comprendre la situation, elle leur parle de cette « petite boule » qu’il faut « détruire ». Sur son compte Instagram, Léna partage ces phrases qui lui tourbillonnent l’esprit durant ces longs mois de brouillard. Extraits : « C’est pas grave maman, c’est juste que tes seins ils dorment », « Bon maman, du coup tu meurs quand ? », « Arrête d’imaginer le pire, sinon il arrivera », ou bien encore « Ne regarde pas ce que tu as en moins, tout est beau en toi. »

« Provoquer l’échange sur un sujet tabou »

Alors bien sûr, la maladie ne définit pas une personne. Avant d’être une trentenaire touchée par un cancer du sein difficile à guérir, Léna Jestin est une femme pétillante originaire de Brest, basketteuse, photographe à ses heure perdues, mère de famille, bonne copine et… graphiste de métier. « Mettre en page, je sais faire ! Face aux retours positifs sur les réseaux sociaux, a germé l’idée d’aller plus loin dans la démarche. » S’en suivront une expo puis un livre auto-édité sur lequel est compilé un « best of » de ces pensées exprimées durant cette convalescence qui a duré quatre ans. Les 250 premiers exemplaires étant très vite partis, 2000 de plus ont été imprimés et mis en rayon dans les librairies du secteur. « C’est un moyen pour moi de partager, de provoquer l’échange sur un sujet trop souvent tabou et qui pourtant nous touche tous, de près ou de loin. » Un exutoire en 87 pages qu’elle a décidé de conclure par ces mots : « J’ai décidé de profiter à fond de tout. » Comme la promesse de jours meilleurs.

Article issu du n°
177
de Côtes d’Armor magazine

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