
Retrouvez le discours de Christian Coail, président du Département, en ouverture de la session plénière consacrée au budget primitif 2025 du 24 et 25 mars 2025.

Mesdames et Messieurs,
Avant de commencer mon propos, je tenais à avoir une pensée pour Christine Orain- Grosvalet qui vient de perdre son père, Emile Orain, figure bien connue dans le Trégor.
Je tenais aussi à saluer l’engagement et le courage de deux de nos sapeurs pompiers qui ont été blessés en intervention à Guingamp récemment : le sapeur pompier de 1ère classe Alexandre Delon, qui a rapidement pu quitter l’hôpital et le sapeur pompier deuxième classe Thierry Le Gall qui a été plus gravement blessé mais qui est sorti du coma. Je leur souhaite à tous les deux un bon rétablissement et leur témoigne publiquement toute notre estime et notre soutien.
Cette session budgétaire s’ouvre dans un contexte lourd. C’est le cas au niveau international, national et local.
Sur le plan international, nous sommes, je crois, tous sidérés de voir comment se déroulent les premiers mois de l’administration Trump. Sidérés par la violence avec laquelle il s’en est pris au président ukrainien en direct à la télévision. Sidérés par ses décisions obscurantistes sur la science et la culture. Donald Trump s’en prend ainsi à la recherche scientifique en listant les mots à proscrire des recherches pour espérer disposer de fonds fédéraux. Il n’hésite pas non plus à signer un décret « éliminant » l’équivalent de notre ministère de l’éducation nationale. On observe également une campagne de censure inédite dans nombre de bibliothèques américaines. On se croirait, en fait, dans un mauvais remake du 1984 de Georges Orwell.
On s’attendait sans doute un peu plus aux mesures douanières du Président Trump. Elles n’en seront pas moins violentes. Elles auront sans doute un impact direct sur des acteurs bretons et même costarmoricains. Nous mêmes, pour la rénovation du planétarium, seront probablement impactés puisque certaines pièces ne peuvent venir que des Etats-Unis.
Le contexte, je le disais, est aussi compliqué sur le plan national. Le vote du budget a permis de débloquer la machine de l’État. Cela ne règle pas les autres problèmes pour autant. Le blocage politique issu de la dissolution empêche toute avancée sur de nombreux sujets importants.
J’en viens maintenant au Département et à son budget. Là aussi, comme pour les autres Conseils départementaux, les nuages sont bien présents. Comme le disent mes collègues présidents de Départements, de gauche comme de droite, chacune et chacun avec ses mots, c’est sans doute le budget le plus dur à bâtir de l’histoire des Départements. Nous alertons depuis 3 ans sur la fragilité du modèle financier des Conseils départementaux et l’inadéquation de leurs recettes avec la nature de leurs dépenses. Certains nous écoutaient poliment sans vraiment nous croire. Et pourtant nous y sommes. Intrinsèquement le modèle financier des Départements nous contraignait à faire des économies. Un reste à charge sur les AIS supérieur à 80 millions d’euros depuis quelques années. Une chute des DMTO de 33 millions d’euros en 2 ans et, en face, des dépenses obligatoires qui grimpent en flèche. C’est cela qui nous a conduits à annoncer la suppression de 60 postes dans notre collectivité et à devoir réaliser de premières économies. Mais le Gouvernement a jugé bon d’imposer des économies supplémentaires aux Conseils départementaux, strate de collectivité dont la situation financière est de loin la plus dégradée. C’est même plus pervers que cela. Déjà, l’État demande aux collectivités des économies pour rattraper ses propres déficits. Mais
- Premièrement, la part des collectivités dans la dette publique est minime,
- Deuxièmement, contrairement à l’État, les collectivités sont tenues de voter des budgets à l’équilibre et ne peuvent financer leur fonctionnement par de l’emprunt,
- Troisièmement, les collectivités ont une part minime dans la dette publique, comme je le disais, mais elles représentent les 2/3 de l’investissement public.
En plus de cela, le Gouvernement augmente fortement les cotisations CNRACL. A horizon 2028, cela fera 7,5 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour notre Département. Pour cette année, la facture se limite, si je puis dire, à 1,8 millions d’euros. A cela s’ajoute le gel de dynamique de la TVA qui nous prive de 4,5 millions d’euros de recettes pour 2025. Sachant qu’au moment où l’État nous avait donné des fractions de TVA pour compenser la perte de certains impôts, il nous avait dit que nous étions gagnants car c’était une recette dynamique. Enfin, le clou du spectacle : le DILICO. Acronyme technocratique qui désigne le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités. Par ce dispositif, le Gouvernement nous force à mettre de côté 1,5 millions, voire 1,9 millions d’euros – le chiffre n’est pas encore stabilisé. Somme dont, théoriquement, 90 % devrait nous être remis ultérieurement. Je reformule pour souligner toute l’absurdité de la mesure. L’État, en recherche d’économies, demande aux Conseils départementaux, qui sont en grande difficulté financière et qui gèrent des politiques comme l’autonomie et la protection de l’enfance qui ont besoin précisément de moyens supplémentaires, de mettre de l’argent de côté. Au-delà du côté infantilisant, ce n’est ni plus ni moins qu’une métaphore du parent obligeant son enfant à mettre de l’argent dans sa tirelire, je ne peux m’empêcher de relever l’absurdité en termes de politiques publiques d’une telle mesure. Quant au fait que l’État rende cet argent ultérieurement, je reste assez sceptique. Jusqu’à maintenant, l’État ne s’est pas particulièrement distingué par sa capacité à respecter ses promesses en matière de finances publiques locales. Ajoutons, pour conclure, que les Conseils départementaux sont la strate de collectivités qui contribue le plus à l’effort de redressement des comptes publics alors même que la strate départementale subit la situation financière la plus dégradée. Si on a le sentiment, avec Donald Trump, de vivre dans un livre de Georges Orwell, le Gouvernement s’est semble-t-il livré à une adaptation originale des Monty Pythons à l’univers des finances publiques locales. Ca ne manque pas d’une certaine créativité artistique. Pour la cohérence et la crédibilité en matière de politique, c’est autre chose… En d’autres termes, le Gouvernement bricole et empêche les Départements d’appréhender leurs politiques dans le long terme.
Venons-en, maintenant, au BP 2025. Budget compliqué à construire comme je l’indiquais. Le travail réalisé et la prudence de notre gestion ont rendu le choc moins violent ici que dans d’autres Départements. Depuis 2021, nous avons ainsi désendetté la collectivité. Au CA 2020, l’encours de la dette était ainsi de 271,9 millions d’euros et il est descendu sous notre gestion à 191,6 millions d’euros au CFU 2024. Nous avons, aussi, lorsque les DMTO étaient fortes, anticipé nos règlements à Mégalis. Autant de dépenses que nous n’avons pas à réaliser dans cet exercice budgétaire et ceux à venir. Nous avons également provisionné 10 millions d’euros de DMTO. Enveloppe que nous utilisons en partie dans ce budget et dont nous gardons l’autre partie pour les autres exercices. Tout cela nous permet d’échelonner certaines baisses ou arrêts de subventions. Cela nous permet de prendre des décisions moins drastiques que dans d’autres Conseils départementaux. Durant tout le travail de préparation budgétaire, notre souci a été d’amortir au maximum le choc pour le territoire. Nous ne pouvons pas l’empêcher mais, de fait, nous en absorbons une partie.
Je tenais à dire quelques mots sur les 60 postes, même si c n’est pas à l’ordre du jour. Comme je l’ai indiqué, ce n’est pas une décision prise de gaieté de coeur. Il serait bien plus facile pour moi d’en créer plus et d’augmenter tous les budgets. Si j’en avais la possibilité, je le ferai. Mais il y a une réalité budgétaire et juridique qui s’impose à nous. Si nous n’équilibrons pas le budget, le Département sera sous tutelle et c’est alors le préfet qui décidera des économies. S’agissant des 60 postes, nous avons fait le choix de la transparence. Les collectivités qui assument de manière transparente ne sont pas si nombreuses que ça. Le dialogue est constant. J’ai rencontré chaque organisation syndicale pour leur annoncer les 10 premiers postes concernés. Et je les rencontrerai de nouveau lorsque nous aurons pris notre décision pour les autres. La porte du 1er vice-président, Jean-Marie Bénier, est toujours ouverte. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de dialogue. Mais le dialogue ça ne veut pas dire être d’accord sur tout. Je comprends l’inquiétude qu’une telle décision peut susciter. C’est d’ailleurs pour réduire au maximum ce sentiment inconfortable que nous annonçons les suppressions de postes qui s’échelonneront sur 3 ans dès cette année. Je le redis, les personnes concernées seront bien accompagnées. Et nous n’attendrons pas des services concernés qu’ils fassent plus avec moins, car cela reviendrait à affirmer que certaines personnes se tournaient les pouces. Le service public vit, globalement, un moment difficile. Il nous incombe dans cette période de préserver ce qui peut l’être afin de permettre au territoire de redémarrer dans les meilleures conditions possibles au moment d’un retour à meilleure fortune.
Mesdames et Messieurs,
Si douloureux et difficiles que soient les décisions que nous avons à prendre, ce budget préserve l’essentiel. Malgré un fort vent de face, le cap reste identique : solidarités, écologie, citoyenneté.
Les solidarités représentent ainsi 62 % de notre budget de fonctionnement. Le budget de la protection de l’enfance augmente encore. C’est près de 60 % d’augmentation de son budget depuis 2021. En agissant ainsi c’est pour le maintien de notre pacte social que nous oeuvrons. C’est aussi pour maintenir notre pacte social et pour répondre, concrètement, aux besoins de nos concitoyennes et concitoyens que nous augmentons notre contribution au SDIS. Rappelons, à cet égard, que depuis 2021 le Département a augmenté sa contribution de manière absolue - + 20 % - mais aussi la part relative de sa contribution dans le financement du SDIS. C’est un effort conséquent en faveur des Costarmoricaines et Costarmoricains, c’est un effort conséquent pour notre système de santé puisque le SDIS constitue souvent le 1er maillon de la chaîne de secours et que le secours à personne représente la majorité de ses interventions. En parlant de santé, j’informe l’assemblée que j’ai été élu il y a un peu plus d’une semaine vice-président du CA de l’ARS Bretagne au titre de la strate départementale. Instance au sein de laquelle je pousserai pour faire avancer les sujets concernant l’autonomie, la protection de l’enfance, nos hôpitaux et la problématique des déserts médicaux.
Dans le contexte compliqué qui est le nôtre, et alors que nos débats évoquent souvent des politiques publiques qui peuvent paraître abstraites, je voudrais citer un autre exemple récent qui montre comment le Département agit concrètement pour les Costarmoricaines et les Costarmoricains. Il ne vous a pas échappé que le Stade briochin a joué un match de gala contre le PSG à Rennes en quart de finale de la Coupe de France. Pour l’occasion, avec la Région et la Ville de Saint-Brieuc, nous avons permis à 500 jeunes d’aller voir ce match et qui, sans notre action, n’auraient pas pu y aller. Nous avons ainsi permis à ces 500 enfants de vivre un moment magique dont ils garderont le souvenir toute leur vie. C’est un exemple concret, et pas si anecdotique que cela, de la manière dont le Département peut agir concrètement dans la vie des gens.
En matière de solidarités, nous poursuivons également notre action en faveur de l’autonomie. Que cela soit en augmentant les taux directeurs ou en soutenant l’investissement dans les EHPAD. Je me répète, là-aussi, mais nous avons besoin d’un Etat qui prenne pleinement la mesure du vieillissement de la population pour pouvoir mettre en place la politique publique efficace et cohérente permettant à chacune et chacun de vieillir dignement. Le Département des Côtes d’Armor fait tout ce qu’il peut. Les communes et intercos compétentes également. A l’État d’assumer sa part en adoptant la loi Grand âge.
Les solidarités ce sont aussi les solidarités territoriales. En maintenant les contrats de territoires pour les communes, nous faisons un choix fort. Nous poursuivons, plus globalement, notre politique d’un aménagement durable et équilibré du territoire. C’est le cas avec les travaux du Pont de Lédardrieux qui prendront bientôt fin. C’est le cas aussi avec l’accélération du déploiement du photovoltaïque sur nos bâtiments ou encore le déploiment de la fibre optique dans les zones rurales via Mégalis.
Enfin, dans le domaine de la citoyenneté, le maintien du dispositif des emplois associatifs locaux est un signal fort dans le contexte actuel. Le plan pluri-annuel d’investissements dans les collèges se poursuit, avec la mise en service récente du collège Prévert à Guingamp, la poursuite des travaux à Vercel à Dinan notamment. Nous lancerons également la 2ème phase de notre dispositif rebond dans les zones de fragilité en matière de démographie scolaire. C’est un enjeu majeur pour l’avenir de nos territoires.
Mesdames et Messieurs,
La situation est difficile. Les défis sont nombreux. Mais nous n’abdiquons pas. Tous les jours, quel que soit le sujet, nous nous battons bec et ongles pour préserver le territoire. Je comprends les inquiétudes dans ce contexte. Je peux assurer les agentes et les agents et les Costarmoricaines et Costarmoricains de l’investissement sans faille de la majorité à leur service.
Je vous remercie.
Christian Coail,
Président du Département des Côtes d’Armor
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Conseil départemental des Côtes d'Armor
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