Société

Hommes violents : peuvent-ils être soignés ?

Carole, ancienne victime de violence de la part de son conjoint, avait accepté de poser pour l'exposition de Delphine Herrou consacrée aux violences intrafamiliales. La photo est retaillée, on y lit "Arrête de faire ta belle". Crédit : Delphine Herrou
Carole, ancienne victime de violence de la part de son conjoint, avait accepté de poser pour l'exposition de Delphine Herrou consacrée aux violences intrafamiliales. La photo est retaillée, on y lit "Arrête de faire ta belle". Crédit : Delphine Herrou

Soigner les hommes violents pour résorber l’hémorragie, on aimerait que ce soit possible. Mais peuvent-ils l’être ? On peine à le croire, quand on sait que 40 % des auteurs récidivent. Pourtant, les dispositifs de prévention de la récidive font leurs preuves.

  • Milena a vu son père tabasser sa mère, au point qu’elle en est morte. Pourtant, du haut de ses 15 ans, elle se questionne : « On s’occupe des victimes de violences conjugales mais pas assez des auteurs, des bourreaux. Si on ne fait rien avec les auteurs, ça ne va pas marcher. Et au final, on se retrouve avec des cadavres »1.

    Mais peut-on soigner les auteurs de violences ? Liliane Daligand, psychiatre, a suivi des centaines d’hommes auteurs de violences conjugales. Elle l’admet : si l’agresseur ne reconnaît ni ses fautes ni la souffrance de la victime, la peine n’a aucun sens, avant d’ajouter : « S’il a le désir de changer, on peut faire un bon travail. 1»

    En France, cette prise en charge des auteurs pour prévenir la récidive commence à se développer. En 2019, le premier Grenelle contre les violences conjugales a acté la création de 30 nouveaux Centres de prise en charge des auteurs (CPCA), qui ont suivi 6000 hommes violents.

  • En Belgique, un taux de récidive qui a chuté de 12 %

    C’est dans ce cadre qu’en Côtes d’Armor, l’ADAJ (Association Départementale Alternatives Judiciaires) met en place depuis 2021 des stages de responsabilisation aux violences conjugales. « Ce sont des alternatives aux poursuites pénales, pour des premiers faits mineurs de violences au sein du couple », explique l’association. Si les auteurs reconnaissent les faits et acceptent ce stage, qui leur coûtera 250€, ils s’évitent d’autres poursuites.

    « Ces dispositifs de prise en charge, s’ils n’obtiennent pas d’effets dans l’intériorité de ces hommes-là, agiront comme une sorte de contrôle social, ce qui les sort du secret, de la dissimulation, des huis-clos dans lesquels ils s’enferment et d’une certaine manière de l’isolement, et par le contrôle social, leur comportement violent peut être réduit », commente une psychologue dans le documentaire « Combattre leur violence »2.

    En Belgique, ces prises en charge existent depuis 1992. Le suivi d’un auteur dure deux fois plus longtemps qu’en France. Les résultats sont là : le taux de récidive a chuté de 30 % à 18 %2.

  • « La violence, on peut la canaliser, la contrôler »

    « La violence fait partie de la condition humaine. On ne peut pas la supprimer, mais on peut la canaliser. La contrôler », appuie Michel Suard, psychologue et thérapeute familial1. Après tout, frappe t-on ou tue t-on son patron lorsque l’on n’est pas content ?Le témoignage de Ben Ebessa, qui est rentré un temps dans un schéma de reproduction de la violence, en est un exemple manifeste, lui qui ne cesse désormais de marteler : « La violence, c’est pour les faibles. »

    1 Nos pères, nos frères, nos amis, de Mathieu Palain, éd. Les Arènes, 2023
    2 Combattre la violence, documentaire réalisé en 2022 par Mélissa Theuriau, visible sur francetv.fr